« Pour une fondation, l’impact investing peut être un levier de changement puissant sur le terrain »


GVerdier

 

Alors que la Fondation s’est engagée dans Divest/Invest et qu’elle est sur le point de concrétiser ses premiers investissements à impact social, nous avons souhaité donner la parole à Gaspard Verdier, Président Fondateur de Simandef, pionnier du conseil en impact investing en France. Un focus sur une pratique nouvelle qui interroge l’essence même de l’action philanthropique !

La Fondation vient d’investir dans Impact Finance Fund et s’apprête à le faire dans ATEC. N’y a-t-il pas, selon vous, mélange des genres ?

La Fondation Ensemble rejoint bon nombre de fondations à l’international, mais aussi en France, qui se concentrent sur le repérage et le développement de solutions innovantes et pérennes pour assurer leur impact dans la durée. Dans cet esprit, et pour répondre aux demandes et besoins du terrain, les outils financiers se diversifient. L’exemple d’ATEC est symptomatique. La Fondation connait bien la technologie des biodigesteurs et a pu éprouver ses impacts positifs, en particulier au Cambodge, à travers différents programmes en subvention ces dernières années. Aujourd’hui, ATEC, entreprise sociale basée au Cambodge, ouvre son capital et lève des fonds pour déployer cette technologie au plan national et proposer à des milliers de familles de petits agriculteurs cambodgiens un accès à une énergie renouvelable, vertueuse pour l’environnement et leur santé. Pour la Fondation, investir dans ATEC, c’est participer au changement d’échelle pour cette solution, mais aussi s’assurer que l’entreprise reste fidèle à sa mission sociale. En effet, l’impact investing permet aux investisseurs et aux entrepreneurs d’agir dans le même sens, de répondre aux mêmes enjeux sociaux et/ou environnementaux et franchir ensemble un nouveau cap en termes d’impacts. C’est parfaitement cohérent avec la mission philanthropique, on utilise les forces du marché, mais l’investissement est au service de la mission, d’une économie (la vraie !) réelle, inclusive et à impact…

Même si cela reste risqué ?

Il faut tuer un premier mythe, les investissements peuvent être plus ou moins risqués. Impact Finance Fund est un fonds coté, liquide alors qu’ATEC est une start-up. Il faut bien définir en amont ses contraintes, sa stratégie d’investissement à impact, sa capacité de compréhension et de suivi. En investissant dans une start-up, on prend beaucoup de risques, mais on fait aussi un pari sur une innovation sociale, un changement d’échelle. Il me semble qu’à ce stade, les fondations et philanthropes ont un rôle majeur à jouer auprès de leurs partenaires stratégiques. Le terrain a besoin de ce type d’investisseurs connaissant les structures, le secteur, sachant être à la fois patients et vigilants sur les impacts. Si l’on n’attire que des investisseurs financiers, on court le risque de casser une innovation sociale, un embryon de solution, alors que les fondations sont en mesure de l’évaluer. Par contre, si l’investissement se déboucle conformément aux attentes, l’argent investi peut servir plusieurs fois…

La subvention ne serait donc plus l’outil exclusif au service de l’intérêt général ?

Question tendancieuse en France ! (mais pas seulement !) Rassurons-nous, il ne s’agit pas de remplacer la subvention, mais il est vrai que l’idée d’un « continuum » entre don et investissement fait son chemin. Don pour l’amorçage, l’innovation, investissement pour le changement d’échelle, quand les associations ou entreprises sociales en ont besoin. C’est néanmoins une vraie question posée au secteur. La philanthropie le sait, elle n’a pas les moyens de financer l’ensemble des enjeux sociaux et environnementaux de notre planète (même si Bill Gates arrivait à convaincre tous les milliardaires de céder la moitié de leur fortune ou plus !). Le don va rester une ressource rare, l’impact investing est une voie possible pour déployer des solutions au service de l’intérêt général… adossés à des modèles économiques… le discours n’est certes pas audible par tous, mais au vu des enjeux, un pragmatisme s’impose. Tester, Expérimenter.

Comment les investisseurs prennent-ils connaissance des résultats obtenus ?

L’impact est le pilier essentiel pour démontrer la validité de l’approche. Sur ce point, l’histoire s’écrit tous les jours et les débats sont nombreux. Les fonds ont des propositions précises et expliquent leur ambition, stratégie et méthodologie de mesure d’impact, qui fait l’objet, comme le reporting financier de communications régulières aux investisseurs. A l’échelle de l’entreprise, il convient de s’assurer que la mission sociale est bien traduite en objectifs d’impacts chiffrés qui donnent le cap pour la gestion opérationnelle. Si l’entrepreneur est en mesure de proposer quelques grandeurs clés, dont le suivi valide sa stratégie d’impact, c’est souvent plus rassurant qu’une offre d’indicateurs pléthorique. Les fondations en particulier ont une parole forte à porter sur les questions d’impact (questionner, orienter, valider…) car comme investisseur philanthropique, elles seront d’une certaine manière, caution sur ces enjeux. Elles sont d’ailleurs pour cela, souvent très courtisées par les projets et fonds à impact.

La sortie des USA des accords du climat est-elle un mauvais signal pour les investisseurs ?

Paradoxalement non, un autre évènement que l’annonce de Donald Trump aura à mon sens un retentissement beaucoup plus fort. Le même jour, les actionnaires d’Exxon ont réussi à imposer au management « climato-sceptique » (c’est peu dire) du Groupe pétrolier de prendre en compte les risques climatiques. Ce n’est qu’une première étape, mais c’est un message d’une portée incroyable dans le secteur économique. Ceux qui tiennent les rênes du secteur financier dans le monde, à l’instar de BlackRock (qui gère 5 « trillions » de dollars – 5 mille milliards !) considèrent désormais que l’environnement n’est plus seulement un enjeu éthique et moral. C’est un enjeu de gestion, de management du risque.

Même si le chemin est encore long, les fondations actives sur l’environnement, en particulier à travers Divest/Invest ont joué un rôle d’avant-garde dans ce mouvement. Aux fondations de continuer à faire tomber les dominos… alimentation durable, lutte contre les inégalités et l’exclusion… comme investisseur aussi on est au service de sa mission!

CFF2

Pour aller plus loin :

 « Questions de fonds »

du Centre Français des Fonds et Fondations (dec 2013)

Retrouvez l’intervention de G Verdier et de nombreux témoignages dont celui de Jacqueline Délia Brémond. 

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