Préservation de la Biodiversité
Pérou

Forestlink : Un système de suivi en temps réel pour aider les communautés indigènes à protéger la forêt amazonienne


La région de Madre de Dios, dans le sud de l’Amazonie péruvienne, abrite la plus grande biodiversité du Pérou. Elle est principalement constituée de zones protégées peuplées de diverses communautés indigènes. Or, cette région est menacée par le bûcheronnage et les activités minières illégales. L’exploitation forestière non durable accélère la dégradation de l’habitat forestier et nuit aux modèles de subsistance des populations indigènes. Les exploitants miniers illégaux qui envahissent souvent les terres des communautés locales détruisent les écosystèmes forestiers et fluviaux, en déversant des résidus hautement toxiques de mercure et de cyanure directement dans les rivières et cours d’eau.

Malgré un cadre institutionnel encourageant, les autorités du pays n’ont pas les moyens ni les mécanismes en place pour contrôler les activités des sociétés d’extraction. Les autorités locales manquent souvent de volonté politique, quand elles ne sont pas directement impliquées dans des réseaux de corruption. Par ailleurs, les communautés n’ont pas les outils nécessaires pour alerter les autorités à temps, si bien qu’elles se retrouvent seules en première ligne dans le combat pour la protection de la forêt. Cette situation engendre un climat de défiance et creuse un fossé entre les autorités et les communautés, conduisant à de graves conflits sociaux en de nombreux endroits d’Amazonie. Depuis cinq ans, les communautés indigènes mènent des programmes de surveillance de la forêt avec le soutien d’organisations indigènes locales et régionales. Ces systèmes communautaires de surveillance ont produit des résultats très positifs en termes d’autonomisation des communautés et de signalement des activités illégales. Toutefois, l’absence de solutions techniques et d’équipement adéquat pour recueillir, systématiser, transmettre, traiter et analyser les données, ainsi que le manque de collaboration avec les autorités locales et nationales, ont jusqu’ici limité l’efficacité de telles initiatives.

Le projet vise à améliorer les capacités des populations indigènes d’Amazonie à protéger leur forêt, à renforcer leurs institutions et à assurer le lien avec les autorités compétentes, afin de soutenir la protection et la gestion de la forêt et contribuer à freiner le changement climatique.

Ce projet a reçu un premier soutien de la Fondation Ensemble en 2016 :

Résultats de la première phase :

Développement technique des applications et de l’équipement nécessaires pour améliorer la technologie de suivi en temps réel et l’adapter aux besoins des communautés indigènes d’Amazonie.

  • La plateforme de Rainforest Foundation (RFUK) a été configurée au niveau des champs de saisie et adaptée culturellement (en particulier l’interface de collecte et de transmission des données sur appareils portables)
  • Le type d’équipement et la qualité de celui-ci sont adaptés au contexte local.

Soutien et renforcement des programmes communautaires indigènes de suivi des forêts grâce à la technologie de suivi en temps réel, qui permet de suivre et de signaler les activités forestières illégales

  • 24 agents de suivi des forêts issus des communautés indigènes ont été formés à l’utilisation de la technologie de suivi en temps réel
  • Un système de vérification des incidents a été mis en place avec FENAMAD qui vérifie les alertes, en collaboration avec la police dans les cas critiques.

Collaboration avec les autorités nationales et régionales en charge de la protection des forêts et de l’environnement afin d’instaurer des mécanismes de vérification et de répression des activités forestières illégales, et intégration des programmes communautaires de suivi des forêts dans les opérations de suivi officielles.

  • Un convention de coopération a été signée entre FENAMAD, AIDESEP et les autorités concernées, notamment la Force aérienne du Pérou (FAP), le Service national des forêts (SERFOR) et l’Agence de surveillance des ressources forestières (OSINFOR), instaurant ainsi un cadre de collaboration entre ces différents acteurs
  • 80 % des activités illégales vérifiées entraînent le déclenchement de mesures répressives : le projet a permis d’importants progrès en matière de déclenchement de missions de vérification et de contrôle par les autorités compétentes (procureurs de police et de l’environnement).

Mise en place de l’étude de cas pour le changement d’échelle, la reconnaissance officielle et la viabilité financière des programmes communautaires indigènes de suivi des forêts dans le cadre de programmes locaux et/ou nationaux.

  • Le système de suivi en temps réel a été adapté pour suivre l’exploitation pétrolière dans la région de Loreto, suivant le modèle de l’Organisme d’évaluation et de sanctions environnementales (OEFA) ; la plateforme en ligne est opérationnelle et le personnel de FEDIQUEP a été formé à l’utilisation de la technologie ForestLink.

Les résultats du projet et la justification du suivi communautaire ont été présentés au ministère de l’Environnement ; le modèle Veeduría a été présenté et mis en avant auprès du SERFOR, de l’UICN et de différents acteurs de coopération internationale ; un plan de changement d’échelle a été élaboré.

LA FONDATION SOUTIENT CE PROJET POUR LA DEUXIÈME FOIS EN 2019 :

Depuis 2016, le projet a produit d’excellents résultats, avec la destruction de 83 pièces d’équipement et de 23 camps utilisés dans les opérations minières illégales. La valeur de l’équipement détruit a été estimée à plus de 1,5 millions de livres sterling (1,78 millions d’euros). Ce projet fait partie des très rares initiatives s’attaquant de façon concrète et directe au problème de l’exploitation minière et forestière illégale.
L’objectif est à présent de consolider les réussites du projet ForestLink au Pérou et d’en assurer le changement d’échelle et la durabilité. Pour ce faire, trois grands axes seront suivis :

  • Étendre le projet ForestLink à de nouvelles communautés de la région de Madre de Dios se trouvant sévèrement touchées par l’exploitation minière et forestière illégale, disposant d’une très faible capacité à suivre et à contrôler leurs terres, et ayant exprimé la volonté d’utiliser la technologie ForestLink ;
  • Améliorer les mécanismes de contrôle et de répression pour continuer de réduire l’exploitation forestière et minière illégale dans la région de Madre de Dios ;
  • Assurer la durabilité des mesures de contrôle effectuées par les autorités, en collaboration avec les communautés indigènes.
    Le projet ciblera 17 communautés de quatre bassins hydrographiques critiques de la région de Madre de Dios au Pérou, couvrant une aire de plus de 280 000 hectares de forêts qui devraient ainsi être protégées des activités illégales.

Résumé du rapport final (septembre 2022) :

Dans le cadre de cette deuxième phase du projet, RFUK et FENAMAD ont réussi à étendre Forestlink à 8 nouvelles communautés, rassemblant un total de 18 communautés indigènes impliquées dans cette surveillance en temps quasi réel dans la région de Madre de Dios, fortement touchée par l’exploitation minière et forestière illégales. Au total, 48 observateurs ont été formés pendant la durée du projet et 28 (dont 8 femmes) ont été officiellement reconnus par le SERFOR (Service national des forêts) comme des gardiens de la forêt lors d’un atelier organisé par la FENAMAD en mai 2022, ce qui constitue une réussite majeure. Les contrôleurs des 18 communautés utilisent effectivement le système et effectuent des missions de contrôle au moins une fois par mois. Des protocoles de sécurité ont été élaborés et le personnel local de la FENAMAD a été formé pour minimiser les risques pendant et après les interventions, car il est devenu évident que davantage de prudence sont nécessaires dans un contexte où les menaces envers les défenseurs de l’environnement ne cessent de croître, au niveau mondial et au Pérou en particulier.

L’un des défis de cette deuxième phase était d’améliorer les mécanismes d’application de la loi. 6 missions d’exécution ont eu lieu sur 8 cas au total à Boca Pariamanu, El Pilar, Barranco Chico, Turbina, Palma Real ainsi qu’une résolution légale en faveur de la communauté de Puerto Nuevo. Le soutien d’un avocat au cours de l’année 2021 a été essentiel pour faire avancer plusieurs de ces cas dans le système judiciaire. Les poursuites ont cependant été très limitées, en raison de l’implication de certains procureurs dans les réseaux criminels (début 2022, le gouverneur de Madre de Dios a même été placé en prison préventive pour ses liens présumés avec des réseaux de crime organisé). Cependant, avec le changement de gouvernement et grâce au maintien des capacités juridiques au sein de la FENAMAD, les affaires clés progressent. Un succès notable du projet, grâce à des actions juridiques et de plaidoyer, est l’annulation légale d’une concession accordée à une société d’exploitation forestière, obtenue par la FENAMAD en novembre 2021. Les renseignements recueillis avec ForestLink et le soutien du projet ont été essentiels pour y parvenir. Pour assurer la durabilité des actions de contrôle par les autorités, en partenariat avec les communautés indigènes, une stratégie financière a été élaborée et une proposition concrète soumise au gouvernement pour soutenir ForestLink par le biais du Programme national de protection des forêts du ministère péruvien de l’Environnement, qui prend actuellement en charge les coûts de la moitié du suivi des communautés.

Enfin, le projet a aidé la FENAMAD à améliorer l’égalité des genres au sein de l’organisation et des communautés. Une enquête sur la santé sexuelle et reproductive a été réalisée en 2021 et les résultats ont été utilisés par la FENAMAD pour développer sa stratégie de genre, approuvée lors de son assemblée annuelle en octobre 2021, après plusieurs cycles de révision et d’amélioration. À la fin du projet, on a pu constater que de plus en plus de femmes autochtones prennent le leadership : sur les 18 communautés participant au projet, 4 sont présidées par des femmes et le conseil d’administration de la FENAMAD est composé de 4 hommes et 2 femmes, ce qui constitue une amélioration importante par rapport à la situation antérieure à la première phase du projet en 2016.

Pour en savoir plus sur la technologie Forestlink :

Une autre vidéo sur le projet (en anglais):

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